C’est environ à 1km au Sud Est du village, sur le bord de la route départementale que l’une des plus grosses pierres, atteignant le volume d’un ballon de volley ball, s’abattit en creusant un petit cratère en forme de nid d’oiseau.
…Ils témoignent...
Le courrier du Tarn et Garonne du 17 mai 1864 relate que « des ouvriers revenaient de leur journée de travail entre Orgueil et Nohic virent descendre rapidement et se briser au bord de la route à quelques mètres seulement, une masse enflammée dont une partie rebondi dans le champ voisin. Saisis de frayeur, ils prirent la fuite, mais retournant bientôt sur leurs pas, ils purent constater la présence d’un bloc noir fortement imprégné d’une odeur de soufre ». Ce même journal écrit qu’au moment de la chute, un villageois conduisant une vache passait précisément sur la route en cet endroit et avait été tellement effrayé qu’en arrivant à Nohic, il était presque évanoui.
LA METEORITE « ORGUEIL »
Dans la soirée du 14 mai 1864, aux alentours de 20 heures, un bolide passant au sud de Montauban explose en de multiples fragments dont quelques-uns s’échouent sur le territoire de la commune d’Orgueil, d’où le nom de cette chute.
De violentes détonations associées à l’explosion du météore dans l’atmosphère se font entendre, résonnant durant plusieurs minutes. Quelques instants plus tôt, de nombreux témoins situés à des centaines de kilomètres à la ronde avaient pu observer un bolide incandescent multicolore traverser le ciel en trombe.
Passée la frayeur que le ciel ne soit en train de leur tomber sur la tête, tout un village s'est immédiatement mobilisé pour collecter les fragments de la mystérieuse pierre noire, aujourd'hui d'une valeur inestimable.
Au lendemain de la chute, les « Orgueillois » en avaient déjà ramassé soixante-trois morceaux, soit une masse totale d'environ 14 kg. Ce qui est certain, c’est que dans les jours et semaines qui ont suivi, des paysans ont dû trouver et récupérer d’autres petits fragments de cette pierre noire et friable, sans trop savoir de quoi il s'agissait vraiment. Des fragments qui, par la suite, ont été perdus ou jetés par leurs descendants…
Ceci étant, seulement deux jours après la chute, le spécialiste des météorites et titulaire de la chaire de géologie du Muséum, Gabriel-Auguste Daubrée, informe ses collègues de l’Académie des Sciences du spectaculaire évènement, tandis que le Courrier du Tarn-et-Garonne en donne un compte-rendu détaillé. Dans la foulée, l'ensemble des pierres récoltées est récupéré. Le musée de Montauban en décroche toutefois 1,3 kg au passage. Le muséum national d'histoire naturelle de PARIS en possède toujours la plus grosse part avec 11 kg. D'autres bouts plus petits partiront les années suivantes dans les plus grands musées du monde, à Toulouse, Prague, Berlin, Moscou, New-York... Un échantillon est même soigneusement gardé sous cloche au Vatican. Malheureusement, le village d’Orgueil n'a rien gardé. Même pas un petit flacon de poussières. Les habitants doivent se contenter d'une évocation artistique qui rappelle que le précieux rocher est tombé là, un beau jour de mai 1864.
Dès les premières analyses dans les semaines qui ont suivi la chute, Daubrée et ses collègues remarquent l’extraordinaire richesse de la météorite en matière organique et en eau. Alors que la plupart des chercheurs demeurent circonspects, Camille Flammarion envisage même "l’existence d’êtres organisés sur le globe d’où elle provient". Quelques années plus tard, Louis Pasteur cherche lui aussi à percer le mystère mais, ne trouvant pas de trace de vie sur la météorite, il ne publiera jamais ses résultats (aucune trace écrite connue dans ses cahiers de travail).
La vie est donc absente de la météorite d’Orgueil. Le caractère exceptionnel de celle-ci tient plutôt à sa composition chimique unique, et à sa provenance. En effet, la météorite a exactement la même composition chimique que le Soleil. Elle est d’ailleurs prise comme « référence chimique cosmique ». Et sa composition indique aussi qu'elle n'a pas évolué depuis sa formation. Orgueil a été officiellement classée en chondrite carbonée CI1 (type Ivuna). Elle est la plus riche en carbone (près de 5%), contient des acides aminés et près de 20% d'eau ! Bref, c'est un type excessivement rare qui ne compte que 8 autres individus, dont Ivuna (mars 2021). Cependant, Orgueil reste la référence du groupe, et surtout la météorite la plus incroyablement primitive.
Enfin, c’est en 2005 que Matthieu Gounelle, Pavel Spurny et Phil Bland parviennent, grâce aux témoignages de l’époque, à reconstituer avec précision l’orbite du bolide, démontrant ainsi que celui-ci était en fait une comète. Cette roche, dont plus de 10 kg sont conservés au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, serait donc effectivement la première météorite d’origine cométaire ! Un objet daté de 4,567 milliards d'années, venant des confins du système solaire, et ayant conservé en son sein dans le froid glacial de l'espace toutes les circonstances des premiers instants de notre système solaire. Une précieuse relique qui témoigne aujourd'hui.
Depuis sa chute, elle est considérée par les scientifiques et les collectionneurs du monde entier comme le Saint Graal ! Pour ces derniers, c'est peut-être d'ailleurs la météorite la plus rare sur le marché et la plus difficile à se procurer. Et peut-être aussi sans doute, l'une des plus chères. Quant aux chasseurs de météorites en herbe qui voudraient tenter d’en retrouver un fragment sur place, petit rappel à leur attention : ce n'est pas la peine d'aller fouiller la campagne. La météorite est très friable et elle se dissout dans l'eau ! Si quelques spécimens n’ont pas été ramassés à l’époque, il est certains que plus rien n’a subsisté dans le sol depuis bien longtemps. Mais cela n'empêche pas un pélerinage !
https://www.lpi.usra.edu/meteor/metbull.php?code=18026
150ème anniversaire, conférence de Matthieu GOUNELLE : https://www.youtube.com/watch?v=_ofqznb6qrw
LES GRAINS PRE-SOLAIRES D’ORGUEIL
Un groupe international de scientifiques, dirigé par Nicolas Dauphas (Université de Chicago) et comprenant notamment Mathieu Roskosz (Université Lille 1) et Laurent Remusat (CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle), ont identifié en 2010 des grains microscopiques issus d'une étoile qui aurait explosé peu de temps
Les avant la naissance de notre système solaire, il y a 4,57 milliards d'années.traces de cette supernova , trouvées dans la météorite d'Orgueil, renferment un excès de l'isotope 54 du chrome , excès retrouvé précédemment dans certaines météorites et non sur Terre . La découverte de ces grains pré-solaires suggère qu'une supernova a disséminé, de manière hétérogène, de fines particules riches en isotope 54 du chrome dans le nuage de gaz
On sait depuis 40 ans qu'une supernova a probablement explosé il y a 4,5 milliards d'années, déclenchant, en partie, la naissance du et de poussières qui allait donner naissance à notre système solaire.soleil . En effet, les traces de l'existence passée d'aluminium 26 et de fer 60 (deux isotopes radioactifs de courte durée de vie)
Dans ce trouvées dans les chondrites mais pas sur Terre, l'attestent.contexte , les scientifiques pensaient que l'isotope 54 du chrome, tout
Cette étude a commencé en 2002 lorsque Nicolas Dauphas a séparé des grains extraits de la météorite d'Orgueil en fonction de leur taille, en comme les autres éléments chimiques et leurs isotopes, était réparti de manière homogène dans le nuage de gaz et de poussières qui s'est effondré pour donner notre système solaire. Or, dans les années 80, ils se sont aperçus que ce n'était pas le cas : les chondrites carbonées comportent un excès d'isotope 54 du chrome. Cet excès n'est pas observé sur Terre. Depuis cette découverte, les chercheurs tentent donc de comprendre comment cet excès de 54Cr a été incorporé dans certaines météorites, et pas sur Terre. Les grains anormalement riches en 54Cr sont tellement petits qu'il était impossible de les identifier jusqu'à très récemment. Aujourd'hui, les avancées technologiques permettent d'étudier de telles nanoparticules.vue de leur analyse isotopique par sonde ionique. Ce travail s'est terminé seulement en 2009. Il aura fallu 3 semaines de traque des grains riches en 54Cr avec la nano-sonde ionique installée au « California Institute of Technology » pour arriver à trouver des nanoparticules pré-solaires très riches en 54Cr. Après avoir imagé et mesuré près de 1500 grains isolés à partir de la météorite d'Orgueil, Laurent Remusat et Nicolas Dauphas ont découvert un grain extrêmement riche en 54Cr. Cette surabondance de la masse 54 du chrome (par rapport aux autres isotopes du chrome) atteste que ce grain existait avant la formation du système solaire. En effet, la fabrication de chrome 54 nécessite un puissant processus nucléaire
Ces mêmes grains ont été étudiés en , ce qui n'a pu avoir lieu qu'avant la formation du système solaire.microscopie électronique à transmission à l'Université de Lille par Mathieu Roskosz et Julien Stodolna. Les grains les plus susceptibles de porter ces enrichissements en 54Cr ont un diamètre
La découverte de ces grains pré-solaires suggère qu'une supernova a disséminé, de manière hétérogène, de fines particules riches en 54Cr dans le nuage de gaz et de poussières qui a donné naissance à notre système solaire. La inférieur à 100 nm, soit 1000 fois plus fins qu'un cheveu humain. Ils sont parmi les plus petits grains pré-solaires décrits.dynamique du disque proto-solaire a trié les grains en fonction de leur taille, conduisant à leur distribution non homogène dans les météorites et les planètes qui se sont formées autour du soleil. Ces données ne permettent pas encore aujourd'hui de déterminer quel type de supernova a permis la formation de ces grains riches en chrome 54 (1), mais l'étude d'autres isotopes, comme le calcium 48 , pourra permettre de répondre à cette dernière question.
(1) Ces isotopes ont pu être formés par une supernova de type II, résultat de l'effondrement du cœur d'une étoile massive ou une supernova de type Ia, résultat de l'explosion d'étoiles petites et très denses (des naines blanches).